Jour 0
Si d'abord il respirait l'air de satiété de sa nouvelle liberté, contemplant avec admiration les différents reliefs qui l'entourait, un sentiment de culpabilité l'empoigna aussitôt, le pressant à regarder derrière lui et à pousser l'air, comme à la recherche d'une porte invisible qui le mènerait à nouveau au Jardin de Chao. Mais il n'y avait pas de porte invisible. Quitte à ne rien pousser, il poussa dans le vide et perdit pied, se retrouvant affalé au sol de tout son long.
C'est en goûtant la terre que le sentiment d'être réellement libre, de réellement ne plus avoir d'attaches et de réellement pouvoir aller où bon lui semblait le saisit, sous forme d'un vertige mêlé à un étrange sentiment d'euphorie.
Sans prendre le temps de se relever, Aska déploya ses ailes et se hissa d'un seul coup debout, suspendu dans les airs, toutefois assez près du sol pour que le bout de ses pieds puisse frôler l'herbe. Avant de s'envoler pour de bon, il s'autorisa un dernier tour sur lui-même, un dernier regard vers le rond d'herbe où il était tombé, et s'en fut.
Mais alors qu'il gagnait les airs, sa vigueur redevint fébrile. Son incompréhension luttait contre sa curiosité, le poussant à faire du surplace, puis, à se mettre à planer et décrire des cercles dans le ciel, comme un charognard au dessus de sa proie. Son esprit fut assailli de questions.
Où trouverait-il à manger ? Qui vivait dans ce genre de jardin démesuré ? S'agissait-il simplement d'un jardin ? Comment savoir ? Était-il le seul à y vivre ? Furieux, il se stoppa brusquement dans ses cercles pour faire du surplace à nouveau, portant une main à sa tête, et la secouer. Il verrait. Où trouverait-il à manger ? Il verrait . Qui vivait dans ce genre de jardin démesuré? Il verrait ! S'agissait-il simplement d'un jardin-- il verrait !
En plaquant ses ailes le long de son corps, il se laissa tombé en piqué en moment avant de les déployer d'un seul coup, fendant l'air et filant à toute hâte dans le paysage qui déambulait autour de lui.
Sans s'arrêter, il suivit le versant d'une colline, frôla le sommet des arbres, fila le long du lac... Il releva ses ailes afin de se laisser tomber un peu plus près de la surface de l'eau, juste assez pour pouvoir voir son reflet défiler avec lui.
Après avoir repéré des arbres à fruits près de la berge, il abandonna sa course contre lui-même pour vite bifurquer, et se poser tout près, tentant de reprendre son souffle. Il replia ses ailes derrière lui, s'ébroua de long en large, comme un oiseau qui ressortait de l'eau, et étira ses bras. Il y avait longtemps que son corps n'avait pas subi un exercice aussi intense.
Si ses yeux s'étaient tournés vers les fruits dans l'arbre, le son que quelque chose s'approchait le fit sursauter et regagner les airs en panique, sa boule ponctuant sa stupeur à l'aide d'un bref point d'exclamation.
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« J'allais cueillir un fruit avant de me manger ton livre en pleine face. »Dit comme ça, c’était presque amusant ; Rubis eut du mal à dissimuler son sourire narquois. Et pourtant, la situation n’avait rien de drôle. Le mage s’efforça d’afficher une expression grave, d’autant plus que le chao semblait au bord de la crise de nerfs. Et puis, au fond, Rubis s’en voulait beaucoup :« Encore désolé pour le livre. »« ... ... »Le Mage Rouge se sentait mal à l’aise. Tandis qu’un petit silence gênant s’installait, Rubis sentait le chao le toiser des pieds à la tête.« T'es... T'es une sorte de tête d'ampoule, c'est ça ? Tu peux me dire où on est ?... »Si Rubis devait bien avoir un défaut, ça serait sans nul doute son orgueil. Un vice que partagent la plupart des mages de son pays d’ailleurs. C’est alors que face au petit chao, Rubis ne pouvait s’empêcher d’arborer un petit air suffisant tout en réajustant son chapeau (qui était pourtant bien en place) ; un TIC dont Rubis était conscient mais qu’il était incapable de contrôler.
