Bon sang il marchait vite. Yami était parfois obligé de trottiner pendant quelques mètres pour ne pas être trop laissé en arrière. On voyait bien qu'Yst était soldat. L'Empereur avait dirigé ses troupes depuis l'Arche de Yamato sans jamais vraiment les rejoindre sur le front. Cela se retournait contre lui à ce moment précis.
Quand finalement son guide eut traversé l'épaisse végétation, il piqua un petit sprint pour le rejoindre et arriva finalement à la gauche de ce dernier. Son souffle fut alors coupé par le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Une étendue immense, bien plus vaste que les plaines de Shinshu elles-mêmes. Au loin il pouvait voir un grand bâtiment. Le soldat Decendia lui expliqua que des "compétitions sportives" y étaient organisées et que le lieu était connu sous le nom de "Colisée".
Yami resta muet durant les explications du jeune homme. Il lui parlait de Robots et de Nagadaps. Yami ne savait absolument pas de quoi il s'agissait, mais ils étaient selon son guide de redoutables ennemis. Les compétitions, c'était du combat ? Intéressant. Yami ne put s'empêcher de relever qu'Yst pensait être le plus faible de ces combattants.
"En tout cas pensez ce que vous voulez de moi, je n'en ai que faire. Ce ne sont pas les autres qui définissent celui que je suis, mais moi et moi seul."
Bon sang, ce gosse avait des couilles ! Mais il semblait nécessaire pour Yami de lui exposer sa manière de voir les choses.
"Yst, tu es un abruti."
L'Empereur asséna une pichenette sur le côté du crâne du garçon en blanc de sa main droite, qu'il révélait enfin. Il s'avança de quelques mètres, comme pour se rapprocher du Colisée puis se retourna brusquement, affichant un visage exalté. Il prit la parole et, pour la première fois depuis longtemps, il haussa le ton.
"Mon petit Yst, je me suis trompé à ton sujet ! Tu n'es pas le soldat naïf que j'imaginais. Et c'est très bien d'ignorer l'opinion des autres à ton sujet. Mais il te manque quelque chose qui fait que tu vas rester le plus faible des alentours si tu n'y remédies pas vite fait."
Le démon marqua une petite pause et reprit à toute allure, sans laisser à son interlocuteur le temps de réagir.
"Je. Suis. Le. Meilleur ! C'est tout ! Je ne sous-estime pas les autres, je ne me surestime pas ! Au fond de moi, je suis tout simplement le plus fort et de ce fait, la défaite n'est pas une option. La logique veut que, par définition, un faible ne puisse pas vaincre un fort. Si on considère untel comme "faible" et qu'il réussit à remporter l'affrontement contre celui qu'on appelle le "fort" c'est que le premier n'a jamais été faible pour commencer. La chance, les compagnons, le fait d'être un humain ou un dieu, ce sont des fadaises sans importance ! Si au fond de toi tu sais que tu es le plus fort, il n'y a pas de raison pour que tu perdes ! C'est aussi simple que ça ! J'ai vu mes généraux se faire massacrer les uns après les autres et je n'ai jamais cessé de penser que j'étais le meilleur, résultat, chez moi je suis le maître du monde ! C'est de la volonté et de la conviction qu'il te faut."
L'Empereur Noir était passionné. Il n'arrêta pas là sa tirade.
"Tu penses être faible mais sache que si un type comme toi exposait sa manière de voir les choses à mes hommes, alors tu n'aurait même pas à combattre ! Ces pleutres s'enfuiraient sans demander leur reste. Alors, jeune Yst, la voici la vérité. Si tu crois être le meilleur tu vas perdre. Si tu sais que tu es le meilleur, alors on scandera ton nom dans ce bâtiment pour les générations à venir. Si un type se ramène vers toi en pensant également qu'il est le meilleur, alors celui de vous deux qui détient la vérité à son sujet remportera le combat, c'est tout."
Yami marqua une nouvelle pause. Il arrivait au bout de son speech et il fallait marquer le gosse. Il brandit sa main droite et déplia les doigts à mesure qu'il parlait.
"Laisse-moi te dire trois choses. Un : je suis un affreux connard. Deux : quand j'en aurais fini avec cet endroit, on y érigera des statues de moi. Trois : Je suis en mesure de te fournir la force que tu désires."
Son index, son majeur et son annuaire étaient dressés sur sa main obscure. Il baissa la voix et posa une question au soldat.
"Yst Decendia, veux-tu marcher sur le chemin de la gloire avec moi ?"
Il put enfin identifier la sensation nouvelle et familière en même temps qu'il ressentait depuis tout à l'heure.
Sentir son cœur battre à nouveau.