"Merci encore !"

Je fis un petit signe de la main au médecin tout en m'éloignant. J'avais enfin fini cette inspection médicale. Une simple routine, pour être sûre. J'avais atteint ce monde il y a quelques mois mais je n'avais pas pensé à me faire inspecter, imprudente que je suis. Il s'avère que je suis en parfaite santé. Beaucoup de temps perdu pour peu de choses, finalement. Mais j'avoue être heureuse de me savoir bien portante. Je passais ma main dans mes cheveux, me demandant ou aller maintenant.

La salle d'entraînement ? Je n'avais pas vraiment le coeur à cela. Et je ne voulais pas sortir dans les plaines non plus. En fait, le mieux aurait été que je trouve quelqu'un à qui parler... Je m'ennuie en ce moment. Je ne croise que des brutes écervelées. Allez, c'est décidé, je vais aller parler avec la première personne que je croise ! Comme ça ! Je verrai bien ou ça me mène...

J'entends de l'agitation dans un coin. Je m'approche et observe : un garçon, mon âge environ, venait de se faire frapper par une infirmière. J'aurais pourtant juré que c'était exactement l'opposé de ce qu'une infirmière était supposée faire. Enfin, ça me fait une personne avec qui discuter. Le blond est accompagné d'une petite fille absolument adorable. J'attends un peu que les gens cessent de fixer le garçon avant de m'avancer vers lui. Je m'assois sur le même banc que lui, juste à sa droite, avant de le saluer d'un petit mouvement de la main accompagné d'un petit sourire.

"Salut."

Sobre, efficace. C'est comme ça que j'ai appris à dire bonjour. En espérant qu'il adopte la même attitude amicale.

Il n'avait pas l'air bien. Quelque chose semblait le gêner. Mes cheveux ? Enfin, il m'adressa rapidement un grand sourire charmeur avant de se rapprocher. Qu'est-ce que...?

"Bonjour. Veuillez m'excuser ces pâles salutations qui n'aurait pas dû être face à une beauté comme la votre.

Le blond me fit un baisemain. C'était démodé, chez moi, mais je suppose que c'était encore en vigueur dans son monde. Au vu de ses habits, il venait des temps anciens. Il se leva et poursuivit.

Je me nomme Art Mélodia. Aurais-je l'honneur d'entendre votre nom ? Celui-ci doit être à la hauteur de votre magnifique splendeur."

"Eh ?"

J'avais un peu de mal à suivre le dénommé Art. Il parlait beaucoup et vite de beaucoup de choses à la fois. Et il s'était pris une chaussure dans la tête. Une chaussure dans la tête ?

"Si je t'entends encore, fait gaffe Art !"

La petite fille que j'avais aperçue avant... Ce devait être sa sœur. En tout cas elle semblait avoir un sacré caractère. Bonne chose, ça. Elle ira loin cette petite. Je lui fis un petit geste amical avant de reconsidérer Art. Il semblait avoir très mal. Mais il continuait de sourire. C'était assez impressionnant.

"Désolé pour ce piètre spectacle."

Je laissais échapper un petit rire. Une atmosphère agréable s'était installée. Le lancer de chaussure avait le mérite d'avoir créé une ambiance moins gênante.

"Ce n'est rien. C'est un spectacle qui a le mérite de me faire rire. Je m'appelle Akris Leukos. Je ne sais pas vraiment si mon nom est à la hauteur de ce que vous appelez ma "magnifique splendeur", toutefois."

Art n'avait pas l'air méchant. Au pire un peu empoté. Mais c'était amusant.

Il était définitivement du genre lyrique ce Art. Et flatteur par-dessus le marché. En tout cas sa conversation était pour le moment des plus agréables. Le blond venait de sortir un instrument que j'avais déjà vu, sans doutes dans un livre d'histoire... Un luth, c'est ça ! Il jouait bien, et je savais apprécier la bonne musique.

"Dites-moi Dame Akris. Appréciez-vous la musique ? Il se trouve que je suis un barde réputé pour son talent."

Bien sûr que j'aime la musique ! C'est ma spécialité... D'une certaine manière. J'ai joué de la guitare il y a de cela longtemps, c'est tout. J'ai toujours préféré écouter le son plutôt que d'en produire moi-même. Je n'eus pas le temps d'y penser plus, la voix de la petite fille résonna plus loin.

"Tu as peut-être du talent. Mais tu es surtout réputé pour autre chose."

Je suppose que la véritable réputation d'Art est basée sur ses talents de séducteur. Oui, c'est fort probable. Mais peu m'importe. Alors que le blond sourit faiblement, je sortit mon lecteur MPX et lui fourrait l'un des écouteurs dans son oreille droite. Sans lui laisser le temps de réagir, je manipulait quelques boutons et lançait une musique.



Je sourit en me demandant quel effet cela devait faire à un barde d'entendre un orchestre entier sortir d'une petite machine.

"J'aime beaucoup la musique."

Il semble perturbé. C'était l'effet escompté. Il me renvoya un autre de ses sourires charmeurs avant de me confier ses impressions. Aaaaaaah, la technologie... Quelle merveille vraiment. Pas besoin de sortilèges complexes, de divinités, d'occultisme, la technologie surpasse tout cela. J'en suis convaincue.

Art continua de me faire la cour, inlassable qu'il était. C'était flatteur et je ne me lassait pas d'entendre tous ces compliments. Mais il passa à autre chose. Il comptait me surprendre ?

"Bien, surprenez-moi, Messire."

J'avais dit cela d'un ton amusé. Car amusée je le suis ! Les yeux d'Art changèrent de couleur pour prendre une teinte émeraude. Intéressant, cela devait être de la magie... Bah, on peut faire pareil avec des lentilles. Sa voix avait également changée, comme s'il parlait dans un micro. C'était autrement plus impressionnant. Mais la encore, cela pouvait se faire avec un micro. Ou des implants, la miniaturisation pouvait aller très loin de nos jours.

Le blond se leva. Qu'allait-il faire ? Il commença à jouer et... Pardon ? J'entendais d'autres instruments. Impossible ! Mes tympans étaient dysfonctionnels ? Non, des "armes" conçues par ma mère ne pouvaient pas être dysfonctionnelles. Mais alors, il avait le pouvoir de devenir un orchestre à lui tout seul ? Impressionnant, je me dois de l'admettre. Mais la encore, avec des amplis, un synthétiseur... Non, je suis de mauvaise foi, c'était vraiment grandiose.

"Au ignorant ! Je suis Art Mélodia ! Barde de mon état, la plus haute étoile du Duché d'Eternia ! Ainsi qu'une étoile montante du Cross-Univers !"

J'applaudis. Toujours gratifier les artistes, ça leur fait plaisir. Et puis, il le méritait. De la magie musicale... Je me demandais comment il se battait. Après tout, une "étoile montante du Cross-Univers" devait avoir quelques combats à son actif, non ? Je ne me souvenais pas l'avoir vu sur l'un des écrans du Colisée... Peut-être que ce n'était qu'un titre pour flamber, après tout. Mais force est de reconnaître qu'il dégage un certain charisme. Il a un grand potentiel, j'en suis sûre.

Je me lève et m'adresse à lui, toute sourire :

"Fantastique, je suis impressionnée ! C'est de la magie ? Vous vous battez en utilisant cela ?"

Il avait attisé ma curiosité. J'étais désireuse d'en savoir plus sur ce barde.

C'était donc bel et bien de la magie. Et Art s'en servait pour soutenir les autres en combat... Tout l'inverse de moi dont la musique ne profitait qu'à moi seule. Le blond joua ensuite quelques accords avant de lâcher son luth qui resta suspendu dans les airs. Bon, ça c'était vraiment spectaculaire.

Mais quelque chose clochait. Art semble épuisé. Vraiment. Son petit spectacle était-il si éprouvant ? Et si oui, pourquoi prendre la peine de le mettre en scène ? Pour le simple amour de la grandiloquence ? Si oui, alors le barde était vraiment une personne particulière. Il avala un breuvage vert et sembla aller mieux. J'étais sur le point de le questionner, mais une petite voix attira mon attention. La petite fille que j'avais vue plus tôt. Elle gronda le blond dès qu'elle fut assez proche de lui. Ces musiques étaient donc vraiment fatigantes pour lui. Si c'était le cas, pourquoi continuait-il de faire jouer son instrument ? Juste pour mettre l'ambiance ?

Ah, la petite me regarde. Elle a de beaux yeux. De très beaux yeux même. Pâles, comme mes cheveux.

"Ne faites pas attention à mon frère. C'est un crétin fini. Mais sinon... Vous aussi... Euh... Vous aussi vous êtes malade, madame ?"

Aaaaaaah, les enfants et leur tact légendaire. Mais je reste stoïque. Je me penche vers la petite fille et entreprends de lui expliquer... En quelques sortes.

"Et bien quand j'étais petite, même plus petite que toi, j'ai été très très malade. Mes cheveux sont devenus blancs et ils sont restés comme ça."

Bon, ça devrait faire l'affaire. Pas besoin de lui parler de l'accident, de mon traumatisme ou de mes jambes. On n'avancerait à rien et je n'ai pas envie de la choquer.