L’échidné s’était dirigé vers le lac, espérant un peu plus de tranquillité dans ce coin là. En allant là bas il espérait s’y détendre en nageant un peu, flotter sur le dos dans l’eau et ne plus penser à rien. Ce qui n’était bien sûr pas simple. Ses souvenirs revenaient tout le temps au moins une fois, dans ces moments il se remettait à faire des longueurs dans tout le lac. Sinon quelques fois il s’entrainait à l’apnée en atteignant le fond et en le rasant pendant un long moment, puis remonter lorsqu’il n’en pouvait plus et ainsi il oubliait l’espace d’un instant ses attaches.

Quand il revint de nouveau sur la terre ferme il s’essuya avec un tissu qu’il avait sous la main, puis il s’assit en tailleur et méditait. Autour de lui il y avait toute sorte de bruit, l’ambiance de la nature. Cela facilitait la méditation. Il fallait rester conscient, et malgré tout dans un état de plénitude. Il fut interrompu de temps en temps par quelques pensées parasites, mais elles s’en allaient bien vite.

L’espace d’un instant pourtant, un vent froid le parcouru, il ouvrit les yeux, et devant lui, au dessus de l’eau se tenait l’image d’une petite créature, de couleur rouge. Cela ressemblait à un chao. Capac l’avait déjà vu, cela ne faisait aucun doute. Surpris par l’apparition, il se leva sans tarder.

« Berry… ? »

Il s’avança alors, prêt à nager jusqu’à l’apparition, mais juste au moment ou il voulu entrer dans l’eau, un poisson sauta à la surface, traversa la chao comme s’il s’agissait d’une illusion, il s’en suivit un éclaboussement et l’image disparu tout de suite après.

« Tsss… »

L’échidné s’assit près du bord, d’un air las, mit les pieds dans l’eau et donna un coup de poing furieux contre le lac. Ce geste était aussi futile que sa volonté de rejoindre les siens. Il se prit la tête entre les mains, et observait son reflet dans l’eau, comme s’il espérait dans cet image le réconfort de voir un autre échidné, mais tout ce qu’il en tirait au final, c’était de la solitude.

Pendant que l'échidné broyait du noir, un son peu habituel parvenait à ses oreilles, un sifflement de l'air assez important, plus qu'un simple oiseau. Il leva la tête et il vit une créature assez grande pour n'être qu'un simple volatile. Il s'agissait... d'un homme volant ! Non en fait il en avait déjà vu auparavant, Veralwynn le premier, sauf qu'il n'avait pas de nom pour cette catégorie d'humain encore. En tout cas "l'ange" prenait une altitude inquiétante. Se fut inévitable. L'individu s'engouffra dans le lac sans ralentir sa descente et un grand remous s'en suivit lorsque le contact eu lieu. Voyant que la créature ailée ne manifestait pas de remonter à la surface, Capac décida de plonger pour venir à son secours.

Comme la plupart des échidnés, il était à l'aise à la nage et arriva bien vite à destination. Il voyait de long cheveux onduler en tout sens dans l'eau, sa silhouette ressemblait à celle d'une humaine. Il s'agissait bien d'une femme. Quand il fut à proximité, il la prit par le bras et l'entraina avec lui aussi vite qu'il était arrivé. Le poids ne changeait radicalement rien pour lui, surtout qu'il la trouvait assez légère.

Il fut de nouveau à la surface et l'entraina avec lui pour qu'elle puisse respirer. Elle avait l'air de réagir. C'était encore une chance qu'il ait pu faire aussi vite.

"Rien de cassé ?"

Déjà Capac n'était plus déprimé. Cette nouvelle personne lui offrait de la compagnie, même si ce fut provisoire. Au moins il pensait à autre chose.

"Comment se fait-il que... enfin... vous pouvez voler non ?"

"Je vois. C'est une chance en effet. Hmm..."

Capac remarqua un peu après que l'humaine semblait cacher quelque chose au niveau de son aile, elle gardait un air assez gênè également. L'explication pouvait se trouver ailleurs, plus qu'un simple choc psychologique après avoir risqué la noyade, une tache rouge se répandait faiblement sur une de ses ailes. L'échidné porta son attention dessus. On aurait dit du sang. Il fut tout de suite alerté.

"Votre aile... vous saignez ! Il faut soigner ça tout de suite. Je peux vous conduire à un endroit où on vous soignera, mais il faut d'abord arrêter le saignement."

Capac regarda dans tous les sens. Il avait laissé quelques affaires à côté de lui, son bandeau frontal notamment, mais il ne suffirait pas pour entourer toute son aile, il fallait quelque chose de plus grand. Il chercha frénétiquement, puis son regard se posa sur le corps de l'humaine. Autour de sa taille il y avait un foulard plutôt long. Il ferait parfaitement l'affaire.

"S'il vous plait, il me faut votre foulard. Je dois recouvrir la plaie avec."

L'échidné la regardait alors avec un air compatissant. S'il n'avait pu sauver son peuple, s'il n'était pas capable d'aider cette personne, que pourrait-il espérer dans le futur ? Être seul de nouveau ? Hanté par les fantômes de son passé ?

Elle lui tendit son foulard, malgré un petit temps d'hésitation. A vrai dire c'était normal, il s'en doutait, elle y tenait, même s'il aurait pu penser qu'elle s'en servait juste pour affirmer son style. L'échidné s'en empara et alla examiner son aile. Il commença délicatement à recouvrir la plaie, puis poursuivit en comprimant un peu plus, tenant une extrémité du tissu entre ses dents, une main pour tenir l'aile pour faire la manipulation de manière plus confortable et l'autre main qui tenait une autre extrémité du foulard. Lorsqu'un côté fut suffisamment enroulé, il lâcha de ses dents le côté restant et poursuivit, de façon toujours aussi soignée.

On avait l'impression qu'il avait fait ça toute sa vie. A vrai dire ce n'était pas tout à fait faux. Déjà il devait s'occuper depuis qu'il savait marcher de la santé de sa mère. C'était une tache quotidienne. Puis il y avait aussi le fait qu'on l'avait engagé pour certaines périodes à l'infirmerie de la garde, puisqu'on l'avait trouvé plus expérimenté que les autres. Il faisait les premiers secours et prodiguaient les conseils de base. D'ailleurs...

"Il faudra éviter de vous servir de vos ailes pendant quelques jours. Enfin ça c'est ce que j'aurais dis s'il n'y avait aucun autre moyen de vous soigner. Il existe en effet un bâtiment en haut de la colline, un Colisée, là-bas on y trouve une infirmerie qui fait des miracles. Elle pourrait vous soigner en seulement un jour. C'est ce qu'ils avaient fait pour un autre être.... comme vous... qui avait subit de gros dégâts."

Le "comme vous" il l'avait sorti de cette façon sans trop savoir comment le dire autrement. Peut-être que "créature ailée" aurait suffit pour la décrire, elle, ainsi que Veralwynn, mais il était loin de savoir s'il fallait qu'il le dise de la sorte. Pourtant il habitait une île du nom d'Angel island. S'il savait d'où venait ce nom il aurait vite un choc.

"Je peux vous y conduire."

Fit-il en finissant de nouer le nœud de cette compresse de fortune. Puis il se dirigea vers ses affaires et alla fouiller dedans.

"Mais avant ça, quoi que vous décidiez, vous devez reprendre des forces. Prenez ceci... s'il vous plait."

Il sortit une pomme qu'il tendit à la demoiselle. Il s'assit enfin en tailleur, l'observant de façon plus curieuse.

"Si c'était possible, comme je vous ai aidé, j'aimerais savoir : comment appelle-t-on les gens comme... vous...hmm... je veux dire... vous avez tout d'une humaine, mais vous possédez des ailes..."

Le mot "ange", c'était un joli mot se dit-il. Il pouvait à présent mettre un nom sur cette apparence d'humain pourvu d'aile, au cas où il en rencontrerai un autre. Au moment de rencontrer Veralwynn, il ne se souvint pas avoir entendu ce mot, ou bien n'y avait-il pas fait attention.

"J'ai en effet rencontré un autre... ange. Il s'appelle Veralwynn, toutefois il a quelque chose de différent, ses ailes semblent dégager un froid intense. On s'est déjà entrainé ensemble, c'était surprenant."

C'était tellement surprenant qu'il s'était fait avoir en pleine confrontation. Ses attaques glacées étaient vraiment dangereuses. L'échidné devait faire attention si un jour il devait l'affronter en combat officiel. En tout cas, plus que le côté offensif de ses ailes, il préférait la beauté de celles qu'il avait en face de lui. Lorsqu'il les avait manipulé tout à l'heure il avait ressenti que ses plumes étaient douce.

"Que le grand Soleil vous garde, Eirina. On m'appelle Capac. C'était pour moi un plaisir de vous être venu en aide. Vous êtes parvenue du ciel et tel un aigle en détresse je me sentais obligé de vous aider. Je n'ai pas d'aile pour autant, mais je suis également connu sous le nom d'Aigle du Zénith. Ce n'est peut-être pas un hasard si je tombe sur un ange de la lumière."

Il avait également dans ses affaires une bouteille d'eau de 50 cl qu'il avait récupéré dans le réfectoire. On la lui avait donné sans qu'on lui explique de quel manière il fallait l'ouvrir, lui qui était habitué à utiliser des gourdes, il ne lui suffisait que de tirer sur le bouchon pour l'ouvrir. Il voulu faire de même en tirant comme un forcené sur le bouchon de la bouteille en plastique. Elle ne voulait pas céder. Il était loin de savoir qu'il lui suffisait de tourner le bouchon. Il abandonna bien vite, un peu honteux d'avoir échoué face à la demoiselle.

"Hmm... j'ai encore du mal avec ces technologies évoluées. Sauriez-vous comment ce récipient s'ouvre ?"

Lui demanda-t-il en lui tendant la petite bouteille sans beaucoup de conviction.