Il était vrai que le Colisée était un bon compromis pour profiter d'un entrainement tout en restant certain d'être bien logé et nourris, de même il pouvait rencontrer des personnes sympathiques. Pourtant, bien qu'il ait tout à disposition, il lui semblait que quelque chose manquait, une sorte de sentiment qui s'était ramolli en lui depuis qu'il était arrivé dans ce lieu. Quelque chose avant son arrivée qui faisait qu'il se sentait vivre pleinement, et ce quelque chose ce pouvait être l'appel du risque, une dose d'adrénaline qui lui faisait défaut.

Ainsi il s'était aventuré seul vers la jungle, n'emportant avec lui que le stricte minimum, et un peu de nourriture pour la route, le reste il le trouvera sur place.

Quand il fut arrivé à destination, il s'installa, fabricant un abris de fortune dans les arbres, avec les branches et les feuilles qu'il trouvait. Les jours passaient alors et l'échidné retrouvaient petit à petit ce sentiment qui avait fait son piment quand il était garde de sa tribu : être prêt à tout instant à une attaque ennemie, avoir les sens ouvert à toute anormalité, être parcouru d'un stress permanent.

Ses sens redevenaient de nouveau très sensibles mais malgré son lieu de vie sauvage il n'en devint pas plus hostile. Il sautait alors d'arbres en arbres tel un primate, afin d'étendre sa connaissance des lieux. Pour manger il se servait principalement de fruits. La viande n'était nécessaire qu'en ultime recourt, aussi ne lui arrivait-il que de manger un ou deux fruits par jour.

Il passait également le plus clair de son temps à s'entrainer et à perfectionner ses techniques. Le plus dur était surement de comprendre comment fonctionnait le pouvoir du chaos, dont on lui avait fait don juste après sa "mort". Pour cela il méditait, prêt d'une rivière enfouit dans la jungle, accompagné par le cri de tout un tas d'espèce et aussi par les sursaut de la nature. Sa maîtrise sur ce pouvoir semblait impossible, pourtant il arrivait à l'exercer consciemment au prix d'un concentration extrême, ce qui était loin d'être possible en combat.

Ce séjour dans ce lieu sauvage n'allait pas durer longtemps, il en avait décidé ainsi. Toutefois il ne pouvait se permettre de rester trop longtemps dans le Colisée. C'est ainsi qu'il avait décidé d'alterner deux semaines en vie sauvage et deux semaines au Colisée.

Ce jour-ci, il avait aperçu quelqu'un du haut de ses arbres, et malgré son camouflage fait à base de feuilles, son visage rouge trahissait sa présence. Celui-ci avait l'air d'un guerrier. Venait-il du Colisée ? En tout cas il allait surement pouvoir se divertir un peu pour un fois avec celui-là.

L’échidné décrocha alors un gros fruit discrètement et le lâcha sur l'individu. S'il avait les sens aiguisés il remarquerait la chute de l'objet et l'éviterait, sinon il aurait une grosse douleur au crane.

Ce fut une petite déception pour l'échidné. Il vit sa tête se lever vers lui, et lui cria dessus. S'il tenait vraiment à déranger toute la jungle de cette manière alors il avait réussi.

Capac descendit alors d'un arbre, se propulsa pour s'accrocher à un autre avec une aisance remarquable, ainsi de suite jusqu'à se réceptionner sur un arbre à proximité de l'humain. Il descendit alors à hauteur de visage, un bras dans le vide et l'autre enroulé à l'écorce. Il porta sa main libre vers sa bouche comme pour faire signe à l'autre de rester silencieux, puis il dévisagea l'individu sans dire un mot, puis quelques seconde après, un bruis de feuillage sur la droite, très dur à percevoir vu sa faiblesse. Capac regarda du coin de l'oeil la source sonore sans bouger davantage.

En un instant une masse violacée et longiligne se jeta sur l'humain, croc en avant, prêt à refermer sa mâchoire sur sa gorge. L'ayant aperçu plus tôt, Capac put le réceptionner au vol, l'empoignant autour du cou. La créature ainsi maîtrisée ne cessait de gesticuler dans sa main, elle avait l'apparence d'un serpent.

"Ksshaaaah ! Abo ! Sssss !"

Capac fit face au regard de la créature, tel un défis pour prouver qui était le dominant et le dominé dans les parages. Lorsqu'il parvint à le calmer, il balança le serpent de nouveau dans les fourrages et celui-ci serpenta loin d'eux.

"Il ne vous aurait pas tué. Toutefois sachez qu'il n'est aucunement utile de crier de la sorte, vous pourriez attirer des créatures bien pire que celle là, que je ne serais même pas en mesure de faire fuir. Les armes sont un atout certes, mais elle ne font pas tout, certaines espèces sont cuirassées. Si vous êtes arrivés aussi profond dans la jungle, vous devriez être conscient du danger, car ici le seul maître est la nature et ses enfants. Mais vous ne me semblez pas prêt pour ça, vous devriez repartir."

Capac fit alors mine d'escalader de nouveau le sommet.

L'échidné interrompit son ascension lorsque l'explorateur lui adressa la parole. Il sauta alors de sa position pour tomber au sol et se retourner pour faire face à lui, bien forcé de devoir lever la tête, comme souvent avec les gens de ce monde qui étaient pour beaucoup plus grand que lui.

"Que le grand Soleil vous bénisse Yst, mon nom est Capac."

Lui apprendre quelque chose ? Déjà fallait-il qu'il arrive à suivre son rythme de vie.

"Je ne sais pas ce que vous tenez tant à apprendre. S'il s'agit de survivre, il faut savoir que cela prend du temps, mais vos réflexes seront plus développés et vos sens plus aiguisé à cette issue. Bien sûr il y a d'autre choses qui peuvent s'apprendre sans pour autant être dans ce style d'environnement, mais avant tout, vous devez me prouver votre volonté. Regardez là haut, il y a une cabane, c'est moi qui l'ai construite, elle peut bien contenir une autre personne. Nous y serons plus en sécurité pour discuter, encore faut-il que vous soyez capable d'atteindre cet endroit."

Capac s'accrocha de nouveau à un arbre afin de monter tout en haut.

"Je vous attendrais en haut. Bien sûr ce serait bien de n'utiliser que vos capacités physiques, c'est la seule chose sur laquelle vous pourriez compter en cas de crises."

L'échidné grimpa toujours aussi agilement, jusqu’à parvenir à son abris de fortune fait de branchage et de morceaux de bois en tout genre, puis il se mit à parler d'une voix un peu plus forte, sans pour autant crier.

"Si vous avez faim j'ai même quelques fruits à partager avec vous!"

"Hé bien, je dois dire que je ne m'attendais pas à ce que vous réussissiez du premier coup. Pas mal pour un humain."

Capac pris alors une noix de coco qu'il avait gardée dans un coin et utilisa un caillou pointu pour percer la surface, puis il tendit le fruit à son invité.

"Tenez, buvez ce qu'il y a à l'intérieur, vous l'avez bien mérité."

L'échidné se mit alors à bricoler avec un galet à l'arrête tranchante un morceau de branche afin de l'aiguiser, histoire d'occuper ses mains, puis sans détourner son regard de son occupation il posa une question à Yst.

"C'est une belle épée que vous avez là, vous savez sûrement bien vous défendre. D'où venez-vous au juste ?"

Ainsi donc lui aussi était garde, voila pourquoi il avait une épée et une force physique telle qu'il a pu grimper jusqu'ici. Il n'y serait jamais arrivé sans entrainement. Mis à part ça, il ne connaissait aucun des lieux qu'il citait. De toute manière il devait déjà apprendre à connaître les lieux de ce monde où il venait d'atterrir. Si seulement...

Lorsqu'il entendit qu'on lui retournait la question, il arrêta d'aiguiser sa branche pendant quelques secondes, se mit à soupirer puis reprit de nouveau son occupation.

"Je vivais à Angel Island, une grande île principalement recouverte de végétation et quelques montagnes. Cette jungle me rappelle un peu cet endroit. Dans cet amas de végétation il y avait une ville et en son centre un grande pyramide. Le plus gros de ma tribu y vivait, les lieux étaient somptueux et nous ne manquions de rien. Notre peuple était fort et courageux, nous étions tous fier. J'étais comme vous, un garde et j'accomplissais mon devoir en gageant de ma vie pour la protection de mes semblables, pour subvenir aux besoins de ma vieille mère, de mon petit frère, perpétuer l'honneur de la famille qu'avait longuement construit mes ancêtres, jusqu'à feu mon père. Mais..."

Il s'arrêta de nouveau. La suite il l'avait bel et bien vécu mais il la reniait encore trop pour l'accepter vraiment et la raconter. D'un geste brusque il planta la branche pointu contre le planché, elle se ficha parfaitement dedans et resta droite. Il serra alors dans sa main le galet tranchant qu'il tenait, il serra même très fort comme submergé par la colère, laissant ainsi couler quelques gouttes de sang.

"Mais je suis venu ici pour devenir plus fort afin d'éviter une catastrophe chez moi. Et vous, jusqu'où iriez-vous pour protéger les vôtres ?"

Conclu-t-il en regardant cette fois-ci l'humain droit dans les yeux.